La douleur ne se raconte pas avec des mots. Sur cet alpage,
il a perdu la vie, abattu d’une balle tirée par un homme resté
anonyme. Son corps encore chaud exposé à la haine de ceux qui
n’ont rien compris. C’est à eux que s’adresse l’encre de
l’incompréhension. De quoi l’ont-ils puni ? Seule, à l’abri de
quelques rochers inaccessibles, la louve attend, fidèle compagne
perdue dans les brumes du petit matin. L’homme a déjà perdu sa
dernière chance de partage avec la nature sauvage.
Sous les étoiles, le chemin est étroit, les souliers glissent
sur les cailloux. Les moutons sont là et le berger, enroulé dans
sa pèlerine, est assis à côté de son troupeau. « Pour faire
berger il faut savoir faire… il faut tout connaître. En bas ils
ne savent pas, ils parlent, ils tirent, ils tuent». La montagne
laisse venir le silence, elle se tait. Une brise respire dans
les arbres, un chamois sort du bois, témoin immobile, la mort
rôde.
Faire la leçon à ceux qui usent de violence. Garnir les discours
de slogans sur la prévention, le développement durable et la
sauvegarde de la planète alors que la cohabitation avec deux
loups est impossible. L’autorité publique valaisanne ne
s’accorde même pas le temps de la réflexion intelligente. Le
loup est un animal protégé par la loi mais on le condamne. Son
crime ? Se nourrir de bêtes mises à portée de crocs par
l’ignorance et l’incompétence de quelques éleveurs. Placer des
génisses en alpage sans protection est coupable et absurde.
Combien sont-elles à perdre la vie accidentées dans les rochers
faute de surveillance. Des morts que l’on tait. Il est plus
facile de focaliser sur l’animal sauvage que sur sa propre
responsabilité à tenir le bétail dans de bonnes conditions.
Ailleurs, les bergers cohabitent avec le loup depuis la nuit des
temps. La présence de l’homme et de chiens de protection aux
côtés des troupeaux permet de partager un territoire sans
plonger dans le psychodrame. Combien d’Emilio, de Luigi et de
Pedro, bergamasques pour la plupart, cohabitent avec le loup sur
les alpages les plus escarpés. Luigi le Berger passe les étés de
transhumance dans le massif du Gothard avec 1200 moutons. Il
connait son affaire et respecte la vie de ses brebis, de ses
chiens et du loup.
La mort ne résout rien ! Notre relation à la vie sauvage mérite
un autre regard. Le loup emporte dans sa funeste destinée une
part de notre insouciance. Le regard de l’enfant sur « le grand
méchant loup » de nos contes et légendes.
Le loup, ce mal aimé, ce fautif de naissance, nous
pardonnera-t-il ? Nous offrira-t-il une nouvelle chance de le
croiser dans le grand cercle de la vie? Pourrons-nous le
regarder en face en assumant notre devoir de protection ou
fera-t-il partie du cortège des espèces végétales et animales
qui disparaîtront à tout jamais ?
Dany Schaer
Mercredi 11 août 2010
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