Il fallait bien une italienne pour réussir ce défi ! Planter un
châtaignier dans le Gros-de-Vaud et récolter des fruits
magnifiques quelques années plus tard, personne n’y croyait et
pourtant. Les deux arbres ont fière allure dans leur belle
maturité, la branche chargée d’une récolte pleine de promesse et
le feuillu couleur d’or.
Anna Favre garde dans son cœur les souvenirs d’enfance, le Val
Camonica dans la région de Brescia. Un endroit où la châtaigne
est reine. « Je me souviens quand nous allions à la maraude dans
les bois, le parfum des cyclamens, les piquants de ce magnifique
fruit qui nous blessaient les doigts et la vigne en pergola.
J’avais tellement envie de planter des châtaigniers ici dans
notre jardin. Quand j’en ai parlé, personne n’y croyait. On me
disait « Ils ne pousseront jamais avec ce climat ». Après
plusieurs essais infructueux la persévérance d’Anna Favre s’est
révélée payante. Les deux châtaigniers plantés au fond du
jardin, orientés plein sud et à l’abri du vent sont aujourd’hui
deux magnifiques arbres. « Et les châtaignes sont aussi belles
qu’à Brescia. Ce sont deux variétés différentes qui se plaisent
côté à côte ».
Les paniers sont prêts et le ramassage des châtaignes commence.
Anna est heureuse de montrer sa récolte et bientôt une brisolée
sera le point d’orgue de la réussite. Âgés d’une quinzaine
d’années, les deux arbres ont un bel avenir devant eux. « Dans
le Val Camonica de majestueux centenaires côtoient de jeunes
arbres en bonne harmonie ». En retournant près de la maison le
jardin révèle d’autres surprises : citronniers et oliviers ont
belle allure, à croire que l’Italie a traversé les siècles pour
parvenir jusqu’ici dans une absolue discrétion. Quelques pas
plus loin un noyer lâche deux noix qui viennent rouler à nos
pieds. Le jardin d’Anna raconte une histoire, celle où tous les
rêves sont permis.
Un peu d’histoire. Dans la revue « Tracés no20 », le
géographe Yves Bischofberger parle du Châtaignier, élément du
patrimoine territorial. Producteur de fruits à haute valeur
nutritive, il occupait autrefois une place importante dans notre
alimentation. Point de repère dans le paysage, il a aussi servi
de marqueur dans la détermination des limites du territoire
suisse. Au début du siècle passé, sa culture a progressivement
été délaissée. Depuis 2007, une vaste opération de recensement
est en cours afin d’identifier les spécimens restants et
d’assurer la pérennité de l’espèce. On assiste aujourd’hui à un
net regain d’intérêt culturel pour la châtaigne et lorsqu’il
s’agit d’un patrimoine porteur de ressources génétiques liées à
l’alimentation, c’est la collectivité entière qui est concernée.
La qualité de son bois – universellement reconnue – lui a valu
au fil des siècles nombre de mises en valeur, allant de la
charpente à la futaille, de la claie à l’échalas. Sa floraison
est spectaculaire et s’apparente à un feu d’artifice. |
Dany Schaer
Octobre 2015
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