Froideville
L’humour cède parfois le pas au tragique
Dans « Profil de mort », Michel Septfontaine, dans
le village où il échoue, un peu par hasard, découvre de
nouvelles règles arbitraires et absurdes qui contraignent des
rapports humains déjà figés et dominés par un érotisme
instinctif.
« C’est une légende et en cours de lecture on se rend compte
que ce monde existe », Michel Septfontaine
Le géologue averti, ancien conservateur au Musée de géologie
cantonal, rédige de nombreux ouvrages scientifiques sur les
Alpes, la géologie du Maroc et la micropaléontologie. L’écrivain
nous avait entraînés sur des thèmes de terrains, notamment le
Maroc où il réside cinq ans. Nous l’avons découvert plus intime
dans un premier roman L’Impasse en 2007. Puis il y eut La
Scierie, Le Soleil Pourpre ou l’Imposture en 2012. Cette fois,
l’écrivain pourrait dérouter ses lecteurs tant le contexte est
différent de ses autres écrits. «Profil de mort » est un récit à
caractère fantastique, le narrateur est plongé en situation de
précarité psychologique, oscillant sans repères entre délire
onirique et lucidité morbide, coincé entre deux mondes en
apparences contradictoires. Un univers trouble, fait d’images et
d’impressions dans lequel la raison, base de tout projet
existentiel, n’a pas sa place.
Dans le roman de Michel Septfontaine, il n’est pas question de
faits réels. C’est un monde nocturne, où les phares d’une 3CV
creusent de petites tranchées jaunâtres dans une bouillie grise,
cotonneuse faite de neige et de pluie. L’orage dépose l’homme
dans un lieu inconnu, une bâtisse négligée où un courant d’air
froid caresse la nuque. Des cris d’oiseaux déchirent le silence.
Au-delà de ce monde, l’écrivain parle de Mona, la « première
femme » Eve ou Mona, qui a fait basculer sa vie. Et les autres,
toutes les autres, une vie intime dissolue faite de galipettes
érotiques dans un environnement alcoolisée où des drogues
diverses circulaient sous le manteau. Une histoire à lire au
deuxième degré. Une manière d’appréhender notre quotidien livré
à la contingence, au bon vouloir des puissants, et marqué par
l’obsession inconsciente du trépas qui met un point final à
toute activité. Les passages sur la nature hostile, le hameau
endormi et la lumière dans la quelle l’on se glisse comme dans
un bain chaud sont parmi les plus beaux du livre.
Né en 1944 à Genève, boursier de l’Etat dans le secondaire,
Michel Septfontaine suit des études de géologie à l’Université.
Puis il travaille en Algérie, dans le cadre du projet de
développement d’une cimenterie en Oranie. Après plusieurs années
de recherches géologiques dans les Alpes, il est engagé en 1980
par le Service de la carte géologique du Maroc avec le soutien
financier de l’aide humanitaire suisse. Il réside 5 ans à Rabat,
effectue de nombreuses missions dans le Haut Atlas et la chaîne
du Rif. De retour en Suisse il est nommé Conservateur au Musée
de géologie cantonal de l’Etat de Vaud à Lausanne. Après une vie
à la découverte du monde, la maladie oblige Michel Septfontaine
à cesser ses activités. Grâce aux mots, il voyage derrière son
ordinateur avec pour décors le Jura qu’il admire depuis les
fenêtres de sa maison de Froideville. « J’ai choisi l’écriture
comme moyen d’évasion et j’adore raconter des histoires».
Profil de mort – Dans la maison vide – roman de Michel
Septfontaine, collection Amarante, L’Harmattan, 2013. Vous
pouvez commander cet ouvrage directement chez votre libraire
habituel.
Dany Schaer

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