François Brélaz, ancien député, préoccupé par la situation des chrétiens d’Irak,
s’est rendu une première fois à Erbil en 2016. Il est retourné en septembre 2017
avec l’intention de voir l’évolution sur place et les conditions de vie des familles
rencontrées lors de son premier voyage».
Nous avons rencontré François Brélaz à son retour en terre vaudoise encore secoué
par un sentiment d’impuissance. Il raconte l’inacceptable et se veut le témoin d’une
minorité chrétienne déplacée. «Erbil compte une importante communauté chrétienne.
Les villes et villages proches de la frontière mais sur territoire irakien sont
également chrétiens. La frontière est réelle et pour aller de Erbil, capitale de la
région autonome du Kurdistan à Qaraqosh, en Irak, soit 65 km j’ai dû franchir pas
moins de 6 check-points ».
Lors de son premier voyage en 2016 François Brélaz noue des liens avec quelques
familles chrétiennes qu’il retrouve lors de ce dernier voyage. « L‘une d’elles
habitait Bartella, village chrétien en Irak. Lors de l’arrivée de Daech la famille
fuit à Erbil. A la frontière un soldat de Daech leur demande de se convertir à
l’Islam, ce qu’ils refusent. Le soldat tape alors la dernière-née qui n’a que deux
mois. Le père proteste il est emmené et sa famille ne le reverra jamais. Depuis les
coups, l’enfant a des crises d’épilepsie et la mère n’a pas les moyens d’acheter des
médicaments ». Bassima vit aussi une situation difficile. « Je vais chez elle en
début de soirée accompagné d’une traductrice que j’ai rencontré grâce à
l’intermédiaire d’un prêtre. La pièce est quasiment vide, sauf un lit contre chaque
paroi et à même le sol une couverture sur laquelle gémit une grand-mère malade de 87
ans. Le frigo est débranché par souci d’économie. La fille de 10 ans n’a jamais été
à l’école ». Le jour suivant, François Brélaz retrouve l’électricien de Bagdad qui a
fui cette ville en 2012 à cause de l’insécurité. « Il travaille maintenant comme
chauffeur au noir à Erbil. Hanna, son mari et leurs sept enfants végètent dans 2
containers dans le camp d’Ashti après avoir été trimballés d’un camp à l’autre ».
Des histoires de familles déchirées, sans espoir d’avenir, des chrétiens qui
déplacent leur désespérance dans l’indifférence, un récit qui brouille le regard de
François Brélaz. Un homme seul qui a décidé un jour d’aller voir sur place avec la
volonté d’apporter l’aide qu’il peut avec les contacts qu’il tisse petit à petit
dans une zone dangereuse où rien n’est acquis. Les églises n’ont plus d’argent, de
même pour les ONG qui diminuent leur personnel. L’Etat veut fermer les camps au plus
vite comme il l’a fait avec Mar Elia et Kasnazan. Les déplacés dont la maison a été
démolie ou incendiée n’ont plus rien. Alors que faire ? « Reconstruire ! C’est sur
place que la vie doit reprendre », conclut François Brélaz.
Un peu d’histoire. Le peuple kurde vit sur plusieurs pays, l’est de la
Turquie, le nord de la Syrie et de l’Irak et l’ouest de l’Iran. Des territoires
source de conflits, les kurdes revendiquant leur autonomie. En 1991, le nord de
l’Irak, un territoire grand comme la Suisse, négocie une certaine autonomie avec le
gouvernement de Bagdad et cela donne la Région autonome du Kurdistan avec comme
capitale Erbil. Le 25 septembre 2017, le parlement du Kurdistan organisait un
referendum sur la question « Acceptez-vous l’ouverture de négociations devant
aboutir à l’indépendance de la Région autonome du Kurdistan ? Un oui dans les
urnes contesté depuis par Bagdad. Affaire à suivre. |
Dany Schaer
Octobre 2017
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