Zoo de Bâle
Goma a fait son chemin entre la main de l’homme et sa famille
gorille
Le Dr. Ernest Lang, ancien directeur du zoo, est
décédé le 21 octobre dernier à l’âge de 101 ans. Un lien
particulier unissait cet homme à la doyenne de la famille des
gorilles du zoo de Bâle. Goma a grandi les 18 premiers mois de
sa vie au sein de la famille du Dr. Lang. Aujourd’hui, cette
grand-mère gorille, âgée de 55 ans, vit toujours dans le
pavillon des singes entourée de ses congénères et se porte bien.
En 1959, la naissance de Goma, le tout premier gorille à voir le
jour dans un zoo européen, et le second au monde, fut un moment
légendaire. La petite femelle qui n’est pas prise en charge par
Achilla, sa mère inexpérimentée, a donc été élevée par la main
de l’homme. J’ai eu la chance de vivre de près cette
merveilleuse aventure. Mon père médecin chirurgien ayant fait
ses études à Bâle était ami avec le Dr. Ernest Lang, directeur
du zoo. Nos visites au parc animalier et à Goma en particulier
étaient régulières et ont marqué mon enfance. Vers l’âge d’un
an, Goma a reçu la compagnie de Pepe, un jeune gorille orphelin
mâle du même âge, qui a passé les premiers mois de sa vie chez
les humains en Afrique. A ses côtés Goma a pu rejoindre sa
famille de Gorilles de Bâle.
Ferait-on la même chose aujourd’hui ? « On patienterait sans
doute plus longtemps avant d’intervenir mais avec les
connaissances de l’époque et le fait que Goma était la première
femelle gorille née en captivité, le Dr. Ernest Lang ne pouvait
courir le risque qu’elle périsse faute de soins de sa mère
biologique. Ses premiers mois de vie avec l’humain ne l’ont pas
empêchée plus tard d’élever son petit Tamtam né en 1971 qui fut
le premier gorille de la deuxième génération du zoo, et le
premier bébé gorille élevé dès son premier jour dans un zoo en
compagnie d’un dos argenté (mâle adulte et socialement mature).
La conséquence de son enfance exceptionnelle a fait que Goma est
toujours restée liée aux hommes et est restée longtemps en marge
de son groupe. Le fait qu’elle élève Tamtam en connivence avec
Pepe qui pourtant n’était pas le père du bébé est sans doute la
conséquence de leur parcours si particulier», explique Olivier
Pagan, directeur du zoo et Docteur en médecine vétérinaire.
Je me souviens de ces rapprochements entre Pepe et Tamtam sous
le regard attentif de Goma. Après beaucoup de patience les
initiatives du bébé gorille prirent le dessus sur les craintes
de Goma et une relation de confiance pu s’établir avec le dos
argenté. Je ne saurais expliquer cette fascination que j’avais
pour Goma et sa famille. La regarder vivre me la rendait
familière, elle a semé en moi la graine d’un amour
inconditionnel pour les grands singes et les animaux en général.
Jörg Hess, primatologue, s’est plongé dans cette quête de la
compréhension des grands singes pendant plus de quarante ans au
zoo de Bâle. Dans son ouvrage Grands singes, mère et enfant il
évoque la petite enfance et le fait que Goma n’a eu aucune peine
à être mère. Les soins et l’affection dont Goma a bénéficié
auprès de ses parents humains et notamment de sa mère de
substitution a eu les mêmes effets et a porté les mêmes fruits
que si elle avait grandi auprès de sa mère biologique.
Cette année Goma a soufflé ses 55 bougies. Un âge très avancé
pour cette femelle gorille qui a toujours gardé un regard tourné
vers l’homme de l’autre côté de la barrière en verre de la
maison des grands singes. De mon côté je la vois toujours avec
mes yeux d’enfant, captivée par ses gestes tendres, ses
mimiques, ses jeux, des attitudes si familières et si
déroutantes à la fois. Les grands singes fascinent, sans doute
parce qu’ils nous sont si proches.
Dany Schaer

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