Plateau du Jorat
La magie de la transhumance
Qui est ce moutonnier de la transhumance ? Nicola Toscano
conduit son troupeau dans le Gros-de-Vaud avec ses chiens et ses
ânes. En ce matin de janvier, la terre peine à dégeler et la
brume se faufile entre les arbres. A la recherche de la bonne
herbe, le berger poursuit la tradition.
Notre rencontre tient du hasard dans les hauts de Villars-Tiercelin.
Les pensées suivent le rythme du troupeau qui se déplace dans un
lent cortège au gré du travail des chiens et de la pâture. L’âne
Cirilo porte le matériel, il avance parmi les moutons alors que
Bianca et Bluri broutent près du bois. Les gestes immuables
reprennent comme si, dans la lumière du ciel, l’histoire des
bergers de jadis était inscrite une fois pour toutes.
Un sifflet et déjà Rex s’élance et forme la ligne idéale avec
les bêtes qui avancent d’un pas lent et régulier. Le silence
reprend ses droits, les chiens Kiwi et Dori restent près du
berger debout. Dans un troupeau de 500 bêtes, il y a toujours
les brebis qui sont devant, souvent les plus belles et lors des
grands déplacements elles marchent juste derrière le berger et
s’accordent la préférence lors d’une caresse ou d’une friandise.
Le soir venu le troupeau se met à l’abri dans une forêt là où le
berger trouve un endroit pour se protéger. Il ne dort plus à la
belle étoile comme les bergers d’autrefois, une camionnette
apporte un peu de confort. Reste le feu, le froid et la solitude
rompue parfois par la visite de voisins ou d’amis et le partage
d’un repas autour du feu. Les Frères Benzoni d’Aubonne prennent
aussi des nouvelles des animaux confiés à Nicola Toscano.
La loi cantonale autorise la transhumance du 15 novembre au 15
mars. Chaque berger a une zone définie par le vétérinaire
cantonal mais la densification des habitations, les clôtures et
les chantiers bouleversent les cheminements. Pour Nicola c’est
le 9ème hiver dans le Gros-de-Vaud et l’herbe n’est pas toujours
facile à trouver ni les chemins pour éviter la grande route.
Autrefois la coutume voulait qu’une ferme hospitalière offre la
salle de bains et une place à table au berger de passage. Les
choses changent, les relations humaines aussi. Avant de nous
quitter Nicola me raconte qu’il a appris ce métier avec Luigi
Cominelli, décédé en août 2011, et son frère. Un long
apprentissage et le goût de la liberté en commun. Une passion
sous les étoiles qui se transmet comme un message de foi et
d’éternité.
Dany Schaer
Paru dans l’Echo du Gros-de-Vaud et le Journal de Moudon,
janvier 2014
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