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Reportage: Projet de fusion - Montanaire

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Plateau du Jorat – Projet de fusion

Dans les coulisses de "Montanaire"
 

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Michel Mermoud - Martherenges
Nous avons pris conscience que l'eau
est notre bien le plus précieux
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Nady-Françoise Golay - Thierrens
Le plus sûr moyen de se pourrir la vie c'est
de compliquer les choses administratives


Si nous avons largement évoqué les raisons qui incitent les communes à fusionner on s’est moins attardé sur l’esprit dans lequel s’organise un projet de fusion. Des citoyens ont travaillé à la préparation du projet de convention. Nous avons rencontré ces travailleurs de l’ombre dans leur village et mesuré la température locale à travers leur regard citoyen.

Mis à part le COPIL, composé d’élus des neuf communes, des groupes de travail se sont répartis les tâches des inventaires et des analyses nécessaires à la convention de fusion. Le but n’est pas de se prononcer pour ou contre la fusion mais d’écouter ceux et celles qui ont étudié la question de près, sans a priori, simplement par envie de participer à un projet d’avenir pour la région.

Denezy, Francine Giroud Crisinel s’est toujours intéressée à la vie de son village et notamment aux activités culturelles. Comme un poisson dans l’eau elle a travaillé dans son groupe de travail (administration, autorités, nom, armoiries, écoles, activités culturelles). Elle nous livre ses impressions. « Le projet à 9 m’a séduit par sa taille. Si l’on parle fusion autant qu’elle soit d’une dimension suffisante pour être écoutée. L’avenir de la région il est vrai n’est pas ressenti de la même manière dans un petit village comme Denezy, 150 habitants, ou un centre plus important comme Thierrens ou St-Cierges. Autour d’un centre fort nous pouvons construire une région. Et il faut bien l’avouer trouver des personnes intéressées par les affaires publiques n’est pas chose aisée dans nos villages. A chaque élection la question devient plus problématique. Travailler dans ce groupe de travail m’a apporté une grande satisfaction. J’ai rencontré des gens que je n’avais jamais connus auparavant. Malgré les divergences d’opinion nous avons travaillé dans un bon esprit. Nous avons collaboré dans le respect des idées. Je déplore pourtant que la décision finale se joue en premier lieu dans les conseils généraux et communaux. Lors de la votation du 6 septembre, si l’un des conseils dit non, tout tombe à l’eau. J’aurais préféré que les populations puissent tout de même se prononcer ».

Peyres-Possens, Marcel Pelet s’est proposé pour faire partie d’un groupe de travail. Son expérience au sein de l’exécutif lui paraît une raison suffisante pour s’engager pour cette fusion. Aujourd’hui, tous les élus à la Municipalité sont des personnes venues de l’extérieur. « Dans notre groupe de travail (Finances et budget) la question du pour ou contre la fusion ne s’est jamais posée. Peyres-Possens est un endroit qui a toujours été en contact avec des personnes venues d’ailleurs - des travailleurs italiens sont venus dans l’entreprise Morandi. Dans les années 70, un élu d’origine italienne, naturalisé suisse, a été syndic du village. Un Conseil communal, composé d’élus des 9 villages, sera préférable au système des conseils généraux actuels qui sont massivement fréquentés lors de sujets sensibles et nettement moins lors de l’établissement du budget et des comptes. La fonction va se spécialiser et le regard des élus se portera sur l’ensemble et non plus sur les particularités de chaque localité. Un conseil communal sera plus stable plus régulateur. Il est évident que l’on quitte l’esprit de proximité pour une part d’inconnu mais je suis certain que chacun fera au mieux au plus près de sa conscience ».

Martherenges, Michel Mermoud (groupe de travail, eau, épuration, déchets). L’ancien municipal boit de l’eau, offre de l’eau, parle d’eau - c’est donc tout naturellement que nous nous sommes plongés dans une histoire de source. « Ici nous avons une eau totalement pure. Arbres, fleurs et jardins potagers ne souffrent d’aucune sécheresse. Elle est si bonne que je n’en bois plus d’autre ». Fini les cageots de bouteilles plastiques, moins de PEP à éliminer et surtout la prise de conscience de vivre dans un endroit privilégié. « Dans le cadre de notre groupe de travail, nous avons réalisé que l’eau n’est pas tout à fait la même dans chaque localité. A cet égard l’étude valait la peine. La sécurité de l’approvisionnement, la défense incendie, la valorisation des installations existantes, les coûts et les taxes - des préoccupations à l’échelle régionale que nous avons analysées et comparées ». Bien que Martherenges soit à l’abri d’un arrêt de robinet et que pour l’instant rien ne prévoit de tirer une conduite vers ses voisines moins chanceuses il reste dans la pensée du citoyen Michel Mermoud la grande valeur de l’eau. « On a toujours tendance à penser que chez soi c’est mieux. Ici c’est vrai pour l’eau mais d’autres villages ont d’autres avantages! ». En somme on pourrait s’unir pour partager les plus et faire face aux moins dans un esprit de solidarité ? «Sans doute et notre village a besoin de forces vives pour la gestion de la commune. Chaque élection est un casse tête pour trouver la relève. Pour l’instant, on ne peut pas dire que les habitants soient très intéressés par la question de fusion de communes. Les gens n’en parlent pas».

Neyruz-sur-Moudon, Jean-François Gavin (Règlements, tarif et taxes). Un domaine qui intéresse l’ancien municipal qui a été président du Conseil et onze ans municipal. « Convaincu par la démarche, ce travail m’a tout de suite intéressé. J’ai pu découvrir que certains règlements étaient vieillots et d’autres étaient rédigés selon des modèles types fournis par le canton. Finalement nous avons fait une synthèse sans trop de difficulté ». En matière de taxes, 80% des communes seront gagnantes par rapport à celles appliquées aujourd’hui. Les moins heureuses n’en font pas un drame, du moins pas dans le cadre du groupe de travail. De l’avis de Jean-François Gavin le détail qui coince reste la commune d’origine plus que tout le reste. L’idée qui était répandue que « Thierrens voulait tout bouffer » s’est estompée. Dans le cadre des groupes de travail Thierrens s’est plutôt mise à niveau avec les petits villages. Nous collaborons avec cette commune dans beaucoup de domaines – écoles, pompiers, eau et la légende qui veut que St-Cierges et Thierrens soient rivales commence à faire date. Bien malin celui qui pourrait dire de quoi elles sont parties ces rivalités si tenaces. Peut-être une histoire de ballon ou d’élastique, peu importe ! »

Chapelle-sur-Moudon, Lise Vulliemin habite le village depuis toujours. Membre du Conseil général de nombreuses années, fraichement élue à la Municipalité, elle a été sollicitée pour un groupe de travail (règlements, tarifs et taxes). Enseignante retraitée, elle accepte avec intérêt sachant que si la fusion se réalise, son mandat en tant que municipale sera de courte durée. Participer au conseil général était une façon pendant des années de participer aux projets du village : « Mais on s’y sent faible. Un conseil communal composé d’élus aura plus de poids. Cette étude a permis de réajuster règlements, taxes et tarifs pour l’ensemble des villages et leur application sera la même pour tous. De petite « cuisine» locale on passe à une gestion de commune plus professionnelle. La fibre sociale de l’enseignante apparait comme une évidence: «La commune de Montanaire va forcément prendre de la couleur. D’une part avec les nouveaux habitants on constate déjà que les agriculteurs n’ont plus la main mise sur tout et c’est une bonne chose et d’autre part pour être connu il faudra bien que les candidats au Conseil communal ou à l’Exécutif se profilent. Je pense que les partis politiques ont un avenir dans le cadre d’une commune à neuf villages ».

St-Cierges, Marcel Giger (bâtiments, forêt, domaines, chemins, routes) est le seul citoyen ayant participé au groupes de travail avec l’expérience de deux législatifs et d’un Exécutif. A St-Cierges il a fait partie du conseil général et a occupé ensuite la fonction de municipal pendant deux législatures. Nouvel habitant il a ensuite été élu au conseil communal de Thierrens. Une triple expérience dont il nous parle : «L’évolution dans les conseils généraux me rend souvent triste et déçu. Le manque d’intérêt, la méconnaissance des dossiers traités et le désistement sont les éléments d’une réalité de notre temps. Et si aujourd’hui les fusions sont inéluctables la raison est avant tout parce que les gens se désintéressent de la chose publique. Le conseil communal de Thierrens n’est pas à l’abri de ce phénomène et c’est plutôt inquiétant pour l’avenir ». Marcel Giger veut croire que Montanaire respectera l’engagement annoncé de garder les collaborateurs des différents villages. Du travail il y en aura et il ne serait pas concevable de procéder à des suppressions de postes. Il espère aussi que la parité homme femme au sein des autorités sera constante. Il garde un excellent souvenir de cette collaboration mixte au sein de l’Exécutif. En matière de gestion des forêts, le garde forestier affirme que le Triage ne subira aucune modification majeure les premières années. Avant de nous quitter Marcel Giger ajoute : «J’espère que l’information circulera au sein des villages même si les conseils généraux n’existent plus. L’intérêt des jeunes pour la future commune dépendra aussi d’une bonne communication ». L’homme politique et d’expérience ne cache pas qu’il est pour la fusion parce qu’elle est devenue inéluctable mais sans enthousiasme. Il a une pensée pour ceux qui acceptent difficilement l’idée qu’il n’est plus possible d’être bourgeois d’une commune qui n’existe plus. Un pan de l’histoire locale qui s’effrite au rythme d’un monde qui change peut-être trop vite.

Chanéaz, Jean-François Cornu habite un village géré comme au bon vieux temps, sans taxe communale, organisé dans un esprit de solidarité entre les habitants, bien que les « disponibles » soient toujours les mêmes. « Dans mon groupe de travail j’ai surtout découvert les différences de gestion entre nos neuf villages. Un vrai délire! Chez nous le PEP se récoltait dans une grange, chez un privé, et on s’arrangeait pour l’évacuer de temps en temps ! Le projet de fusion « Montanaire » m’a intéressé parce que nous pouvions participer au processus dès le début. Les bonnes volontés ne suffisent plus et les nouveaux habitants ont choisi la campagne pour avoir la paix, la tranquillité et non pas pour gérer une commune. Les jeunes ont déjà fait le pas, ils jouent au foot à Thierrens, vont à la gym à St-Cierges et participent aux sociétés de jeunesse de plusieurs villages ».

Correvon, Rémy Devallonné, 20 ans à la municipalité dont 16 ans syndic. Une époque où le village investi dans ses infrastructures et construit son avenir. Le revenu de l’eau a permis de financer la salle communale avec place de parc et espace jeux. Les revenus sont confortables et le taux d’imposition un modèle. « Au début, la fusion ne m’intéressait pas et lorsque St-Cierges et Chapelle ont apporté une dynamique au projet j’ai alors changé d’avis. Cela d’autant plus que la gestion de commune se complique et les gens sont de moins en moins disponibles. Ce n’est pas le cas partout. Boulens trouve ses élus et je comprends que la fusion ne les intéresse pas. Mais pour combien de temps ? Notre coin de pays a intérêt à travailler ensemble même si dans l’avenir la politique s’en mêle. Il faudra un temps d’adaptation et surtout que l’information circule bien».

Thierrens, Nady-Françoise Golay, collaboratrice à l’Etat de Vaud, a l’art de remettre les pendules à l’heure. « Si l’on veut être un interlocuteur valable pour le canton il faut avoir un certain poids. Une fusion à 9 villages permet d’être visible, d’avoir un répondant régulier avec les collaborateurs du canton et d’être bien organisé au niveau administratif. Une fusion veut dire que tout le monde apporte sa pierre à l’édifice pour le bien commun. Et on tourne la page avec les intérêts persos… » Mais est-ce si simple ? « Certainement pas mais avec des outils de plus en plus performants la demande de professionnels va de soi. L’état d’esprit amateur dessert, aujourd’hui le canton ne veut plus perdre de temps. Cela demande plus d’investissement et une meilleure connaissance des dossiers. Ce groupe de travail était une rude expérience dans le sens positif. Cela m’a permis de voir les différences et me persuader que cette fusion peut améliorer le quotidien. Le plus sûr moyen de se pourrir la vie c’est de compliquer les choses administratives ».

Le 6 septembre, les conseils généraux et conseil communal se prononceront sur l’acceptation ou non de la convention de fusion entre les communes de Chanéaz, Chapelle-sur-Moudon, Correvon, Denezy, Martherenges, Neyruz-sur-Moudon, Peyres-Possens, Saint-Cierges et Thierrens.

Dany Schaer

 
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Marcel Giger - St-Cierges
L'évolution dans les conseils généraux
me rend souvent triste et décu
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Lise Vulliemin - Chapelle-sur-Moudon
La commune de Montanaire va forcément
prendre de la couleur politique
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Rémy Devallonné - Correvon
Le revenu de l'eau nous a permis
de financer nos infrastructures
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Marcel Pelet - Peyres-Possens
Un conseil communal sera plus régulateur,
plus neutre, plus professionnel
 

Comme un aveu d’impuissance

Un projet de fusion ne vient pas de nulle part. Remettre en cause ce qui a fait ses preuves est la dure réalité qui s’impose aux communes. Par manque d’intérêt de la chose publique et pour que les villages survivent administrativement les populations doivent s’unir. Sur le Plateau du Jorat, l’histoire de neuf communes prend le chemin de Montanaire.

Une bonne idée pour le canton, une question de survie pour les villages. La naissance d’une fusion ne se fait pas sans douleur. On ne fusionne pas par amour, l’alliance est avant tout économique et administrative. On a beau se connaître, s’apprécier, vivre symboliquement sous le même chêne à neuf branches c’est un peu quitter sa famille. L’enfant aime à découvrir le monde, fort de son identité profonde, sachant qu’il retrouve les siens au retour. A l’échelle d’une commune, qui a tissé au fil du temps son histoire, nourri ses bourgeois, protégé et entretenu son patrimoine, géré son école et construit ses infrastructures, perdre sa fonction de commune est une amputation difficile à accepter. Le pas est courageux et le passé mérite de tourner la page avec respect.

Nous sommes tous responsables de cet aveu d’impuissance. La chose publique intéresse de moins en moins les citoyens, qu’ils soient jeunes ou moins jeunes. Les contraintes administratives deviennent toujours plus pointues et le sentiment du devoir d’engagement de moins en moins vivant. Les résultats de ce processus sont mesurables, ils conduisent aujourd’hui à un projet de fusion. L’objectif est ambitieux et nous nous familiariserons avec des nouveaux modes de gestion. L’avenir ensemble est la mesure accessible, les conditions offertes par le canton sont acceptables. Dans un contexte difficile la fusion de communes s’avère une chance à saisir.

Dany Schaer

 
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Jean-François Cornu - Chanéaz
Nous ne payons aucune taxe communale
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Francine Giroud - Crisinel
Tant mieux si ça bouge un peu dans nos villages
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Jean-François Gavin - Neyruz-sur-Moudon
Finalement dans ce groupe de travail rien ne m'a vraiment surpris

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Dany Schaer - Journaliste-photographe

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